Les affaires reprennent

Aujourd'hui, je suis tombée nez-à-nez avec mon rapporteur de mémoire dans les couloirs de l'Ecole, noble institution où je traînais récemment encore mes basques d'étudiante, et où je continue à abriter d'illicites activités télévisuelles, dans le but illusoire de trouver enfin du taf par des voies détournées. Rapporteur de mémoire, donc, avec lequel je n'avais plus eu le moindre contact d'aucune sorte depuis, argh, un an.

Apparemment, il était dans un bon jour, il ne m'a pas hurlé dessus (d'ailleurs, maintenant que j'y pense, il ne m'a jamais hurlé dessus, en fait), il s'est contenté de nous considérer, moi et mes turpitudes, l'air moitié amusé, moitié navré - bref, comme d'habitude. La bonne nouvelle, c'est que cette rencontre inopinée m'évite la rédaction d'un mail pénible et que du côté du mémoire, les affaires reprennent.

La mauvaise nouvelle, c'est que ma théorie de l'année dernière sur la nature de cet étonnant personnage est définitivement tombée à l'eau.

Etant donnée sa proportion malfaisante à nous convoquer à des heures matinales au point d'en être nocturnes, ses tendances nécrophiles et le fait qu'en quinze ans (depuis son propre passage à l'Ecole - la vie est un éternel recommencement), il n'ait absolument pas changé sur le plan physique, la seule hypothèse raisonnable était qu'il s'agissait d'un vampire. Eventuellement d'un genre mutant, propre à supporter les brumes des scènes de crime, une sorte de Blade version franco-ardenno-belge - oui, je refuse d'admettre que les Ardennes, patrie du sanglier et terrain de chasse des tueurs en série francophones, fasse réellement partie de notre beau pays - ce serait plutôt une tête de pont masquée du Groland que ça m'étonnerait pas. En tout cas, ce monsieur, que nous appellerons désormais Dorian Gray pour plus de lisibilité, n'est certainement pas un ange - les anges n'ont pas de sexe, c'est connu, et j'ai de bonnes raisons (mais pas celles que vous croyez) de penser que lui, en a un.

Bref, en fait de freak, j'ai été très déçue. Vous allez me dire, c'était prévisible, mais à certains égards, j'ai su conserver mon âme d'enfant. Il y a un an, il m'avait semblé que Dorian Gray se reflétait dans les glaces du bar de la Grande Maison où il officie. Et aujourd'hui, je viens de constater que non content de résister aux attaques de la lumière, en plus, il bronze. Si si - ça lui va pas mal, d'ailleurs. Et finalement, en bobo-snob-vaguement névrosé du 11ème, il m'est tout aussi sympathique. Changerai-je par hasard? Dans ma quête de l'adultitude, développerais-je un penchant nouveau pour la normalité?